Manifeste pour une révolution de la longévité
La société française doit se rendre à l’évidence : il est grand temps de prendre sérieusement en compte la longévité et le défi qu’elle représente. La crise sanitaire du Coronavirus est passée par là, mettant en évidence nos faiblesses face aux questions du grand âge, mais aussi nos atouts. Face à ce contexte, 150 professionnels du secteur de l’aide aux personnes âgées, intellectuels, acteurs économiques et sociaux, syndicalistes et citoyens engagés appellent à une révolution de la longévité.
Le vieillissement de la population, une réalité
Avec l’augmentation de l’espérance de vie, dès 2025-2030, le nombre des « papy boomers » nés à partir des années 1945 devrait être massif. Les plus de 85 ans constitueraient même jusqu’à 7 % de la population française à partir de 2050. Avec cette explosion du nombre de seniors, les chiffres prédisent également une augmentation des personnes en situation de dépendance.
Parce que nous allons tous vieillir un jour, la transition démographique doit être reconnue comme un des grands défis du XXIème siècle, au même titre que les questions écologiques ou numériques. Même si l’on vieillit mieux et en meilleure santé, la maladie et le handicap peuvent toujours survenir. La société doit s’adapter à ce contexte et se préparer à ses conséquences.
Diverses réflexions sur le vieillissement
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon les prévisions de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des Études Économiques), d'ici 2050, 4 millions de seniors seraient en perte d’autonomie.
Quelques constats :
- L’hébergement en EHPAD : Choisi souvent par défaut, ce type d’hébergement pour personnes âgées dépendantes a montré ses limites, en particulier lors de la crise du Coronavirus. Manque de moyens, de personnel ou désorganisation : de nombreux résidents sont décédés dans ces institutions gériatriques qui ont de toute évidence besoin d’une profonde transformation.
Si on se réfère aux chiffres, le nombre de places en maison de retraite devrait logiquement augmenter de 20 % d’ici à 2030 et de plus de 50 % à l’horizon 2050 afin de pouvoir faire face à la prise en charge de la dépendance. Un défi de taille pour adapter la société au vieillissement. - Le maintien à domicile des aînés :
La plupart des personnes âgées souhaitent vieillir chez elles, grâce au soutien et à la prise en charge des politiques publiques. Du fait de pathologies lourdes ou d’un niveau de dépendance élevé, préserver l’autonomie à la maison n’est pas toujours possible, malgré l’assistance d’une auxiliaire de vie et d’autres services d’aide à domicile. La pandémie que nous venons de connaître et ses conséquences dramatiques chez les sujets âgés, posent donc la question du maintien à domicile comme alternative à l’hébergement spécialisé où un grand nombre de patients fragilisés sont décédés.
À prendre en compte : le rôle primordial des 11 millions d’aidants enfin reconnu par les services publics et le services de téléalarme de plus en plus plébiscités. - Les aides financières possibles :
Plusieurs aides financières telles que l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie), le crédit d’impôt pour les personnes âgées et autres subventions des caisses de retraite (aide Bien vieillir chez soi) soutiennent d'ores et déjà le maintien à domicile des seniors. L’aide Anah (Agence Nationale de l’Habitat) « Habiter Facile» permet de prendre en charge des travaux pour adapter le logement à la perte d’autonomie ou au handicap.
Ces dispositifs apparaissent toutefois insuffisants au regard des dépenses déjà supportées par les familles.
La société face au défi de la longévité
Véritable manifeste, cette tribune s’adresse à la puissance publique mais aussi à la société civile. Elle appelle l’ensemble des acteurs à se mobiliser pour anticiper le vieillissement de la population et renforcer les liens entre les générations. L’objectif est simple : réussir la transition démographique.
Pour y parvenir, plusieurs pistes et acteurs sont évoquées :
- Les pouvoirs publics : L'Etat et les collectivités territoriales doivent désormais s’engager dans cette révolution de la longévité en accompagnant les métiers liés au vieillissement et en mettant en œuvre tous les moyens possibles, ainsi que la dépense publique, afin de relever le défi démographique du grand âge. L’adaptation des logements au maintien à domicile et l'aménagement d'un espace public favorisant la mobilité des aînés apparaissent ainsi comme incontournables. L'annonce récente de la création d'une 5ème branche de la sécurité sociale pour la dépendance est également particulièrement bienvenue.
- Décloisonner les différents secteurs de la société : Les différents acteurs, qu'ils soient sanitaires, médico-sociaux, particuliers ou institutionnels, doivent travailler de concert pour obtenir des résultats.
- Les invisibles de la solidarité : Applaudis chaque soir pendant le confinement, ces professionnels de santé et de l’accompagnement des seniors, à domicile et/ou en établissement, doivent être entendus et valorisés.
- Les initiatives individuelles des personnes, associations et entreprises : Elles doivent absolument se poursuivre aux côtés de l’État.
S’il a été vivement été blâmé par le journaliste François de Closets, accusant la génération des années 50 d'égoïsme, ce manifeste pour une révolution de la longévité mise au contraire sur l’union de tous, quel que soit son âge. La crise de la Covid-19 a d’ailleurs mis en évidence ce lien intergénérationnel qui a bel et bien été au rendez-vous. Solidarité ou pacte social oblige, des retraités, garants de l’histoire familiale et de la transmission des valeurs morales, se sont occupés de leurs enfants et de leurs petits-enfants. Ils ont soulagé leurs proches quelquefois en situation de précarité et assuré un soutien aux parents âgés fragilisés. Ils ont également maintenu le lien social entre les différentes générations.
Les 150 signataires de ce Manifeste pour la révolution de la longévité se mobilisent également en faveur de la loi « grand âge et autonomie ». Accompagnée d’une véritable stratégie nationale de transition démographique 2020-2030, elle vise un défi majeur : adapter notre société à l’avancée en âge de la population. Un message à l’Etat, à la société ainsi qu’à nous-mêmes. En toute responsabilité.