Une proposition de loi pour améliorer les revenus des handicapés en couple
Le 9 mars dernier, malgré l’opposition du Gouvernement, le Sénat a amendé et voté en première lecture, une proposition de loi visant à ne plus prendre en compte les revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH (Allocation aux Adultes Handicapés). Cette mesure, réclamée depuis de longues années par les nombreuses associations représentant les personnes en situation de handicap, a fait naître l’espoir pour tous celles et ceux qui subissent cette situation.
Retour sur cette réforme d’une avancée sociale majeure.
Un mode de calcul qui induit une dépendance financière
Crée en 1975, l’AAH est une aide financière versée, soit par la Caisse D’Allocations Familiales (CAF), soit par la MSA (Mutualité Sociale Agricole), aux personnes porteuses d'un handicap. Elle permet d’assurer un minimum de ressources aux personnes qui n’en ont pas ou qui n’en disposent que de très peu. Pour l’obtenir, plusieurs critères sont nécessaires. Être âgé de plus de 20 ans, résider en France de manière permanente, avoir un taux d’incapacité au moins égal à 80 % ou compris entre 50 et 79 %, à condition d’avoir une restriction substantielle et durable (en cas de difficultés importante d’accès à l’emploi depuis plus d’un an) et ne pas dépasser un certain plafond de ressources sur l’ensemble des revenus de l’année N-2.
Aujourd’hui, sur plus de 1,2 millions de personnes qui bénéficient de l’AAH, 290 000 vivent en couple. Le montant maximum attribué est de 903,60 € par mois mais peut toutefois varier en fonction de la composition du ménage et des revenus. Ainsi, si le plafond annuel pour percevoir l’AAH est fixé à 10 832 € pour une personne seule, il est de 19 607 € pour un couple, majoré de 5 416 € par enfant à charge. Or, si un allocataire de l’AAH perçoit moins de 10 832 € et qu’en additionnant les revenus de son conjoint, ceux-ci dépassent 19 607 €, l’AAH n’est plus versée à la personne conjointe handicapée.
En raison de ce mode de calcul prenant en compte les revenus du conjoint, certains allocataires préfèrent renoncer à leur projet d’emménagement à deux, ou de mariage, plutôt de se voir réduire, voire perdre totalement leur allocation.
C’est ce point qui fait débat et qui a été à l’origine d’une grande pétition officielle, via la plateforme e-pétitions du Sénat en septembre dernier, demandant la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’AAH . Améliorer l’autonomie des personnes handicapées, leur permettre de ne plus dépendre financièrement de leur conjoint et donner la possibilité aux 34 % de femmes en situation de handicap, victimes de violences conjugales, de pouvoir quitter leur foyer très rapidement, c’est ce que revendiquent les collectifs et associations de personnes handicapées.
La proposition de loi pour réformer l’AAH adoptée au Sénat
C’est chose faite ! À la surprise de nombreuses associations, le Sénat s’est prononcé le 9 mars dernier en faveur de la désolidarisation de l’AAH du revenu du conjoint, ajoutant notamment un droit d’option pour les 44 000 ménages qui seraient perdants avec la réforme. Cela concerne essentiellement les couples dont l’allocataire touche des revenus d’activité alors que le conjoint en perçoit peu ou pas. Ces derniers pourront, pendant dix ans, continuer à bénéficier du système actuel de calcul de l’AAH ou de celui désolidarisé des revenus du conjoint. Les sénateurs ont par ailleurs rétabli le plafond de cumul de l’AAH avec les ressources personnelles du bénéficiaire.
De son côté, la secrétaire d’État aux Personnes handicapées, Sophie Cluzel a maintenu son opposition à la proposition de loi, affirmant que « la juste articulation entre solidarité nationale et solidarité conjugale ne peut fonctionner que si les ressources du foyer des bénéficiaires sont prises en compte ». Verdict le 17 juin, lorsque la proposition de loi sera en deuxième lecture devant l’Assemblée nationale.